Dites-moi qu'ils n'ont pas fait ça...
Peu importe ce que l’on pourra dire désormais sur le mouvement de « La Manif pour Tous » et autre « Jour de Colère ». Peu importe que l’on revienne désormais sur leurs slogans mensongers, opportunistes et vengeurs. Peu importe qu’on dénonce la propension de ces parents, qui se veulent les modèles d’une société irréprochable et vertueuse, à se servir, au sein de leurs manifestations, de leurs propres enfants, comme autant d’étendards dont on aura bourré le petit crâne malléable de haine et d’ostracisme. Peu importe de s’alarmer de retrouver, d’ici quelques années, ces enfants là devenus grands et nourris de la détestation de l’autre. Peu importe de dire aujourd’hui que ces gens là sont minoritaires et que même 500 000 dans la rue, des millions d’autres les observent avec dépit. Peu importe de croire qu’ils ont tort car ils ont gagné.
Et ils ont doublement gagné. Ils ont gagné dans leurs revendications. La loi sur la famille ne passera pas avant des lustres, si elle passe jamais, et la PMA et la GPA resteront des débats fantoches d’une société trop frileuse pour les engager. Ils ont aussi gagné dans leur volonté de se positionner comme la voix forte de la France, celle d’une société qui se lève pour se défendre contre l’impie, celle de la raison et de l’amour quand bien même leurs discours ne seraient que rejets et inepties.
Ils ont gagné car loin de les assagir, la décision du gouvernement vient de les renforcer, de leur donner raison de lutter, de leur donner toute l’ampleur de leur puissance. C’est Jeanne d’Arc délivrée du bûcher ! C’est la Terre Sainte reconquise ! C’est la souris qui accouche d’une montagne ! Peu importe…
Le gouvernement, dans sa grande naïveté (?), bêtise (?) a cru ainsi stopper leur avancée, les maîtriser, les renvoyer dans leur foyer et leurs paroisses, les faire taire mais il n’a réussi qu’à les légitimer et leur donner ce qu’il leur manquait : un poids politique essentiel. Dès demain, l’UMP, jusqu’ici circonspecte qui aura préféré envoyer seuls au front ces agités comme autant de chair à canons, accourra dans les bras de cette Marianne providentielle pour leur apporter le soutien officiel et la structure politique nécessaire pour ensemble se partager les lambeaux d’une République sabordée par une Gauche démente, suicidaire, minable.
Car si ces fous furieux ont gagné, c’est grâce à nous ! Nous, peuple de Gauche qui avons naïvement cru qu’un gouvernement socialiste serait le garant de nos libertés et avons gentiment laissé cette caravane passer sans la combattre, sans tenter de l’arrêter. Où étions-nous pendant ce temps ? Comment avons-nous pu ne pas nous inquiéter de ce qu’il se passait ? Sommes-nous si arrogant dans notre « bien-fondé pensée » que nous n’avons même pas consenti à descendre nous-mêmes dans la rue pour faire entendre notre propre voix ?
Je me souviens en décembre à la Marche des Républicains, nous étions 100 pour une ville de plus de 160 000 habitants… 100 ?!... 100 républicains sur 160 000 ?!... dans une ville, une région, où la majorité des élus sont de gauche, donc l’électorat ?
Alors je me demande ce qu’est la Gauche aujourd’hui ? Ce que nous représentons, ce que nous voulons, ce que nous espérons ? J’ai voté socialiste, j’ai voté Hollande. J’ai voté pour le progrès, pour une société d’ouverture, sociale, égalitaire, humaniste. Pour une société qui prendrait à bras le corps les problèmes du chômage, de l’industrie, de la croissance mais aussi, je l’espérais, qui ferait de moi, telle que je suis, femme active, investie et accessoirement lesbienne, une citoyenne à part entière, bénéficiant des mêmes droits que tout un chacun. Mais moi je n’ai pas gagné, non, j’ai même perdu.
J’ai perdu de vivre depuis des années, des décennies, dans une société qui m’acceptait plutôt bien, dans laquelle je n’avais aucun mal à évoluer en tenant la main d’une autre femme dans la rue. Aujourd’hui, en votant à gauche, j’ai participé à ce que cette société vire, se dégrade et qu’une nouvelle génération se lève pour mettre à mal la vie future de mes propres enfants, tous ces enfants qui seront différents et voudront, non pas le revendiquer, mais juste le vivre. J’ai perdu ma liberté en l’offrant, par convictions, à un gouvernement qui, dans l’espoir veule de calmer le jeu vient de se trancher la tête.
Ce matin, je suis amère, fatiguée, vide mais il me reste encore un peu de souffle pour réfléchir et chercher là où j’ai pu me tromper, là où je me suis fourvoyée, là où j’aurai mal ou pas assez agi. Je ne sais pas si je vais trouver et comprendre. Je doute même de cela. J’ai juste envie de dire que ce gouvernement, Hollande, le Parti Socialiste et la gauche en générale n’auront plus jamais ma voix.
Maintenant, je vais juste essayer de me consoler en espérant que c’est moi qui me trompe depuis le début et que tout ceci n’est jamais arrivé.